Michèle Cazadamont, résidente de Louis Pasteur rend hommage au courage d’Emilienne, sa mère, institutrice, travaillant au Camp de Rivesaltes en 1941. A travers la réalisation d’une boite souvenir, elle transmet le vécu poignant d’une enseignante de 23 ans.

« Avec d’autres institutrices tu étais là pour enseigner aux enfants mais en réalité tu étais là pour les distraire de la faim et de la misère. Les conditions de vie étaient extrêmement pénibles, pas d’eau courante et de sanitaires et les problèmes d’approvisionnement alimentaire. Les prisonniers mourraient littéralement de faim ! Rutabagas ou topinambours matin, midi et soir quand on avait de la chance ! Toi, tu mangeais comme eux, tu vivais comme eux, tu partageais leur vie malheureuse. Quel courage ! Un jour que tu as même vu un homme arracher la maigre ration de rutabaga à un petit. Cette image révoltante ne t’a jamais quittée. Toute la semaine tu vivais dans un des 150 baraquements existants avec d’autres civils. Toi aussi tu dormais sur une paillasse. Le samedi soir tu rentrais en vélo chez le grand-père Planas, maréchal ferrant à Bompas. Le dimanche soir tu reprenais la route en direction du camp. »

« Un jour tu as trouvé le camp sens dessus dessous. Il y avait des traces de lutte et de sang partout. Tes collègues institutrices étaient en pleurs, incapables d’articuler quelques mots. Toutes étaient sous le choc. Tu as pressenti qu’une chose de terrible était arrivée. On était en août 1942. Les allemands avaient décidé de vider le camp de tous les juifs raflés en zone sud pour les transférer via Drancy au camp d’Auschwitz-Birkenau. Les allemands étaient venus ce matin-là séparer les mères juives de leurs enfants. Certaines mères s’étaient ouvert les veines de désespoir. C’était le sang que tu avais vu, répandu çà et là, en arrivant dans le camp. Une vraie tragédie racontée par tes amies institutrices. Dans les semaines qui suivirent tous les enfants, les femmes et les hommes, jeunes ou vieux, furent déportés pour rejoindre les camps de concentration. Tu as appris plus tard que quelques petits avaient pu être sauvés grâce à des associations et à quelques personnes courageuses ».